Les besoins se distinguent donc d’autres notions complémentaires dont il convient de tenir compte mais qui ne peuvent être confondues : la demande, le projet de vie, l’évaluation individuelle, les plans et projets personnalisés …
Il est indispensable de bien distinguer les différents moments : celui qui permet l’expression par la personne et son entourage des besoins ressentis et des attentes, le projet de vie, du temps de l’évaluation pluridisciplinaire, pour aboutir à l’objectivation des besoins. De même ne peuvent être confondus, alors que c’est bien souvent le cas, les besoins tels qu’identifiés précédemment et les réponses. Situés en amont ou en aval de l’identification des besoins, ces différents temps constituent un chaînage indispensable pour la construction des réponses.
Pour illustrer le propos, on ne peut considérer que les besoins d’une personne se résument à l’attribution d’une place en établissement. Il existe plusieurs façons de construire la réponse aux mêmes besoins : en fonction des désirs des personnes, des ressources disponibles, des politiques conduites… Dans les pays qui ont conduit une politique de désinstitutionalisation radicale, les besoins des personnes sont restés identiques mais les réponses ont été profondément modifiées. En France le choix est fait d’une «inclusion accompagnée» permettant prioritairement l’accès aux dispositifs de droit commun, la pleine participation sociale des personnes en situation de handicap, tout en garantissant des réponses institutionnelles et collectives répondant aux besoins des personnes qui, à un moment donné de leur parcours, ou durablement, le
nécessitent.
Repérer les besoins des personnes nécessite qu’on s’accorde sur le plan d’analyse de ces besoins.
Jusqu’en 2001, l’Organisation Mondiale de la Santé a proposé une classification des handicaps (Classification Internationale des Handicaps : déficiences, incapacités, désavantages-CIH) fondée sur un modèle largement biomédical.
Cette classification venait compléter la Classification Internationale des Maladies (CIM). Elle suggérait que le handicap pouvait être décrit par des caractéristiques propres aux personnes handicapées. Elle proposait une approche sur trois axes découlant les uns des autres : les déficiences, les incapacités, les désavantages.
En 2001, le nouveau modèle de classification proposé (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé-CIF) bouleverse très profondément l’approche du handicap puisque l’approche concilie à la fois les caractéristiques individuelles et les facteurs contextuels, en particulier environnementaux. Le handicap ne peut continuer d’être appréhendé par des caractéristiques personnelles négatives ; il est largement lié aux barrières que la société génère. Le handicap peut, en effet, être amoindri grâce à une transformation de l’environnement facilitant la participation des personnes, citoyens à part entière. C’est donc une approche multidimensionnelle.
Cette évolution, dans le droit fil des textes fondateurs internationaux précédemment cités, amène donc à considérer que les besoins des personnes sont de pouvoir accéder sans discrimination aux droits de l’homme et libertés fondamentales. Le GTN s’est accordé pour considérer que cette analyse décrite par la CIF est pertinente. Les réponses qui en résulteront seront individuelles et sociétales, les concernant et concernant leur environnement.
Comment tenir compte dans la construction de la nomenclature « besoins » des outils qui existent déjà sur le terrain ?
Le GTN a démontré que bon nombre de professionnels ont d’ores et déjà construit des outils, soit pour évaluer et identifier les besoins des personnes (approche individuelle) permettant ainsi l’élaboration de réponses personnalisées (plan de compensation, projet personnalisé de compensation, plan personnalisé de scolarisation), soit pour planifier les réponses collectives dans le cadre des schémas.
Il a transmis à l’équipe-projet les principales grilles utilisées pour qu’une analyse critique puisse en être faite et servir à l’élaboration de la nomenclature. Vingt grilles ont ainsi été collectées. La plupart d’entre elles sont cohérentes avec le GEVA utilisé par les CDAPH dans les Maisons départementales des personnes handicapées, lui même en cohérence avec la Classification Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santé (CIF).
La nomenclature qui sera bâtie par l’équipe projet et le GTN pourra donc s’appuyer sur les compétences, savoirs faire et retours d’expériences des acteurs de terrain.
Comment prendre en compte la parole des personnes en situation de handicap ?
Outre que les personnes handicapées sont représentées par les associations participant au groupe de travail national, plusieurs associations se sont accordées pour qu’un recueil de la parole des usagers soit recherché selon une méthode qui sera élaborée collectivement dans un groupe ad hoc.
Quel est le rôle du Comité scientifique ?
L’ensemble de ces travaux a fait l’objet d’une note sur la sémantique des besoins dont l’essentiel est présenté ici. Elle constitue le socle sur lequel les membres du GTN se sont accordés pour construire la nomenclature. Le comité scientifique a souligné la complexité d'une recherche de définition des besoins en économie puisque ceux-ci sont eux-mêmes dépendants de l’offre. A contrario, dans le domaine social, la notion de besoins s’analyse au regard de ce dont la population générale dispose (non discrimination). Le Comité scientifique a également pour rôle d'apporter des éléments sur les processus de désinstitutionalisation qui sont mis en œuvre dans différents pays européens.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Cette première étape ayant permis de s’accorder sur les principes, le groupe technique national s’engage dans la rédaction de cette nomenclature. Cette même méthodologie est utilisée pour définir la notion des prestations et élaborer une nomenclature de prestations. Cette première version sera testée auprès d’ESMS volontaires (2016). Parallèlement un échantillon d’ESMS volontaires s’engagera dans une enquête de coûts.
Par ailleurs, les travaux conduits au sein du groupe de travail conduisent à aborder des questions qui touchent également d’autres chantiers. A titre d’exemple, ceux portés par la mission « une réponse accompagnée pour tous » confiée à Marie-Sophie Desaulle, l’élaboration du volet médico-social des Répertoires Opérationnels de Ressources (ROR), chantier porté par les ARS avec l’appui de l’ASIP (Agence des systèmes d'information partagés de santé), le tableau de bord médico-social de la performance…Le croisement de ces réflexions est un gage de cohérence et d'enrichissement mutuel.